Wednesday, October 22, 2008

Ma petite maman...

Chère maman,

Voilà deux mois que j’ai déposé mes pénates sur les bords du fleuve St-Laurent. Je dois l’avouer, le pays est rude, le climat rigoureux et ses habitants, assez frustes.

En effet, dès le premier jour, j’ai du mettre mon orgueil de côté et me contenter d’une nourriture infâme pour me sustenter (voir photo ci-jointe). Même si tu es loin de moi, ma petite maman chérie, j’imagine la larme qui nait au coin de ton œil en découvrant l’état de désoeuvrement qui est le mien. Voir son fils bien aimé réduit à de telles extrêmes est un supplice que nul enfant ne voudrait infliger à ses parents. D’ailleurs, je dois l’admettre, ce que j’ai fait, aucune bête ne l’aurait fait.

Néanmoins, je t’enjoins de sécher tes pleurs, car le contact avec la nature a révélé à la face du monde un aspect inconnu de ma personnalité. Celui qui prend la plume pour t’écrire ces quelques mots est un homme transformé. Désormais, je me lève avant l’aube et je fonce à travers les forêts vierges qui bordent la rue Ste-Angèle pour relever les collets que j’ai installés le long des remparts avec le Huron Leif Tande. Ensemble, nous déjeunons (le petit déjeuner n’existe pas dans ces contrées où la main miséricordeuse de la civilisation n’a jamais oint le front du moindre sauvage) de lièvres fraîchement occis ou de perdrix que mon ami égorge de ses mains nues. Les jours de pleine lune, quelques amis des tribus voisines l’accompagnent, et nous partageons une maigre pitance chez le père Abraham-Martin. Tu le vois, ma petite maman, malgré les épreuves, j’ai vaincu l’adversité.

C’est d’ailleurs la raison qui motivent cette lettre. Force est de reconnaître que lorsqu’on s’est frotté aux hivers hargneux de ce pays que Voltaire méprisait, on voit la vie avec d’autres yeux. Désormais, j’ai besoin de me rouler dans les arpents de neige qui répugnaient à notre poète pour sentir mon cœur battre dans ma poitrine. Tu comprendras donc les raisons qui me poussent à quitter définitivement la France pour vivre de côté-ci du Rio Grande.

Adieu ma petite maman.

Ton Antonounet