Cher lecteur, chère lectrice,
C’est toujours quand je ne m’y attends pas que tu me surprends. Alors que la plupart du temps, j’ai l’impression d’écrire devant le vide infini ou pour des amis imaginaires, tu m’envoies un mail que je n’attendais pas et qui me redonne de l’énergie. Merci !
Maintenant, pour répondre à ta question, je ne veux pas révéler la vraie identité du prêtre dont il est question dans Tuer Vélasquez. Ce n’est pas que je crains quelques représailles, mais seulement, j’avais décidé que mon livre ne serait pas un règlement de comptes et je tiens à honorer cet engagement. De toute manière, si tu lis les journaux, tu n’auras pas besoin de moi pour retracer l’individu en question. Il est partout, même dans la presse parisienne.
Oui, j’ai reçu des menaces (à l’époque), j’ai eu très peur quand la police est venue vers moi pour entendre mon histoire, je dois encore vivre avec les regards quand je monte dans l’autobus (aujourd’hui) et lorsque je parle à un journaliste, je me sens comme une bête de cirque. Parfois, on murmure aussi dans mon dos. Je n’ai ni les moyens, ni les ambitions d’une rock star, donc je continuerai à prendre les transports en commun et à vivre avec le poids des regards. C’est sans doute là le prix à payer pour avoir voulu raconter une histoire crédible et honnête. Surtout honnête.
Ce qui me fait le plus mal, ce n’est d’ailleurs pas de devoir cohabiter avec ce nouveau statut d’objet volant clairement identifié. Non, le plus dur, c’est de penser que pour certains, ce livre en est un comme les autres. Quand on met sa tête sur le billot, on n'en sort jamais indemne. Vois-tu, cher(e) lecteur(trice), la grande leçon de cette expérience humaine et sociale est très simple : nous vivons dans une époque de barbares. Les calamités se succèdent à un rythme effrayant et les gens oublient très vite. D’ici peu, un nouveau scandale éclatera et il éclipsera tous les autres. Toi, moi, nos parents, nos voisins, nous serons tous interpellés par le prochain drame de l’heure et la sphère de nos pensées s’écartera lentement de son point d’intérêt actuel.
Ce jour-là, je pourrai sans doute recommencer à prendre l’autobus comme tous les quidams de la terre, en anonyme. Comme avant.