Ma chère Céline,
Chers enfants,
Voilà deux jours que je suis arrivé et déjà, je ne reconnais plus celui que je suis devenu lorsque je croise mon regard dans une glace. Si les yeux sont le miroir de l’âme, alors la mienne est une source tarie, une cicatrice desséchée sur l’épiderme aride du désert.
J’ai passé mes premiers jours sur le nouveau continent à tendre une main miséricordieuse à tous ces pauvres hères qui ont croisé ma route. J’ai lu dans leur regard la douleur de vivre et le désarroi propre aux âmes en perdition. Le cœur léger, j’étais néanmoins persuadé que mon humanité insufflerait un peu de réconfort à ces malheureux et qu’elle leur donnerait le courage de vivre jusqu’à la prochaine éclaircie. Avec le recul, je me trouve bien naïf d‘avoir eu de telles pensées. J’étais persuadé que de mes actions naitrait l’étincelle qui guide la blanche colombe jusqu’aux contrées hostiles où elle n’a pas eu la chance se poser. J’ai été fou, mais ils ont été fourbes, eux, les impies.
Les sombres intentions des Francis Desharnais et autres Nicolas Dumontheuil (une brebis de notre troupeau qui s’est égarée sur le chemin cahoteux du Cap-Diamant) ont achevé d’abattre les derniers remparts de ma volonté. Alors que descendait dans ma gorge affligée cette concoction infâme que l’on nomme bière en ces terres de Caïn, des mots infects tels que Sacrilège, Korrigane et Kraken montaient moi. Gide avait raison : l’homme cède toujours à la tentation la plus forte. Vous n’étiez pas auprès de moi pour me soutenir et j’ai failli. Sans vous, je ne suis pas un Homme, je ne suis qu‘un homme.
Voilà pourquoi je vous écris. Banni à jamais du Jardin d‘Eden, je ne puis rentrer en France et reprendre ma place de chef de famille auprès de vous. Je suis devenu indigne de cette mission. Qui voudrait d’un loup pour veiller sur des brebis ? Arsène, mon fils, c’est désormais à toi qu’incombe le devoir de protéger ta sœur et de veiller sur ta mère. Oubliez-moi, effacez de vos esprits le souvenir de mon existence. Je suis devenu une bête infâme et c’est sur les berges du pays qui a détourné mon âme du droit chemin que cette dernière descendra le goulot de la sombre bouteille d’où elle ne sortira que pour hurler sa soif de houblon.
Adieu.
Votre Éricounouchinet
Chers enfants,
Voilà deux jours que je suis arrivé et déjà, je ne reconnais plus celui que je suis devenu lorsque je croise mon regard dans une glace. Si les yeux sont le miroir de l’âme, alors la mienne est une source tarie, une cicatrice desséchée sur l’épiderme aride du désert.
J’ai passé mes premiers jours sur le nouveau continent à tendre une main miséricordieuse à tous ces pauvres hères qui ont croisé ma route. J’ai lu dans leur regard la douleur de vivre et le désarroi propre aux âmes en perdition. Le cœur léger, j’étais néanmoins persuadé que mon humanité insufflerait un peu de réconfort à ces malheureux et qu’elle leur donnerait le courage de vivre jusqu’à la prochaine éclaircie. Avec le recul, je me trouve bien naïf d‘avoir eu de telles pensées. J’étais persuadé que de mes actions naitrait l’étincelle qui guide la blanche colombe jusqu’aux contrées hostiles où elle n’a pas eu la chance se poser. J’ai été fou, mais ils ont été fourbes, eux, les impies.
Les sombres intentions des Francis Desharnais et autres Nicolas Dumontheuil (une brebis de notre troupeau qui s’est égarée sur le chemin cahoteux du Cap-Diamant) ont achevé d’abattre les derniers remparts de ma volonté. Alors que descendait dans ma gorge affligée cette concoction infâme que l’on nomme bière en ces terres de Caïn, des mots infects tels que Sacrilège, Korrigane et Kraken montaient moi. Gide avait raison : l’homme cède toujours à la tentation la plus forte. Vous n’étiez pas auprès de moi pour me soutenir et j’ai failli. Sans vous, je ne suis pas un Homme, je ne suis qu‘un homme.
Voilà pourquoi je vous écris. Banni à jamais du Jardin d‘Eden, je ne puis rentrer en France et reprendre ma place de chef de famille auprès de vous. Je suis devenu indigne de cette mission. Qui voudrait d’un loup pour veiller sur des brebis ? Arsène, mon fils, c’est désormais à toi qu’incombe le devoir de protéger ta sœur et de veiller sur ta mère. Oubliez-moi, effacez de vos esprits le souvenir de mon existence. Je suis devenu une bête infâme et c’est sur les berges du pays qui a détourné mon âme du droit chemin que cette dernière descendra le goulot de la sombre bouteille d’où elle ne sortira que pour hurler sa soif de houblon.
Adieu.
Votre Éricounouchinet